La Servette plein les yeux d’Alexandre W. Junod


Littérature / jeudi, janvier 26th, 2023

Le Servettien Alexandre W. Junod,
écrivain de quartier et cœur Grenat

  • Pour la première fois, le quartier de la Servette fait l’objet de tout un livre.
  • L’auteur Alexandre William Junod y a lui-même grandi dans les années 1980 et y a vécu presque toute sa vie.
  • Passé par le journalisme, il enseigne aujourd’hui le droit et la culture générale.
  • C’est son 3e livre, après un roman Les Trente foireuses, publié chez L’Harmattan (2012), et un ouvrage dédié aux sapeurs-pompiers genevois, chez Cabédita (2008).
  • Clin d’œil savoureux qui ferme (temporairement) la boucle, Alexandre W. Junod a remporté un concours littéraire de la ville de Meyrin en 2012. Le thème ? « Le Quartier ».

La Servette, paradis perdu d’un pur Servettien

Sapeur-pompier volontaire, abonné du Servette FC, natif des Pâquis mais résolument enfant de la Servette, l’écrivain Alexandre W. Junod coche les cases de l’authentique Genevois. Son nouveau livre La Servette (Cabédita) est consacré à la banlieue méconnue du même nom, témoin du développement de la ville de Genève – mieux ! un endroit inextricablement lié à son histoire personnelle, qui lui est à ce titre chevillé au cœur. Interview.

L’allée principale du parc Geisendorf, en hiver ; au fond, la rue de Lyon, 2019 ©A. W. Junod

Des témoignages de première main

D’où vous est venue l’envie d’écrire sur la Servette?

J’avais publié des livres il y a une dizaine d’années avant de reprendre des études. J’ai cependant continué d’écrire. Parmi les idées que j’avais dans le frigo, il y avait celle de faire un livre sur le quartier. En fouillant, je n’avais en effet rien trouvé au sujet de la Servette, à peine plus sur le Petit-Saconnex. Quand j’en ai parlé à mon éditeur, il a tout de suite été partant. L’idée était donc ancienne, mais le projet est allé assez vite, entre le printemps 2021 et l’été 2022. Comme c’était le quartier de mon enfance, il y avait un enjeu émotionnel qui a fait que je me suis plus mis la pression pour que d’autres projets !

Votre livre est un véritable « objet littéraire », à la fois document historique, enrichi de témoignages, et guide.

« La Servette », c’est à la fois le quartier, en tant que structure urbaine, mais c’est aussi les gens. J’ai notamment interrogé une enseignante de Geisendorf et des personnes qui ont fait vivre des endroits importants pour moi. Le fait d’interviewer des gens m’est venu quelques mois avant de lancer le projet. Je me suis inspiré de livres que j’avais déjà lus, notamment le dernier paru consacré aux Pâquis (même si les deux quartiers et les projets étaient très différents). Un autre livre, très éloigné sur le sujet, m’a servi de  modèle, la somme sur David Bowie, de Jérôme Soligny [David Bowie: Rainbowman, 1967-1980, Gallimard, 2020], qui est basé uniquement sur des témoignages. Je recherchais justement des sources de première main. Quant aux balades, j’avais été touché par le Métronome de Lorànt Deutsch qui s’amusait à raconter Paris à travers son métro. Inciter les gens à voir le quartier d’une manière différente, c’était le pari  que je voulais relever, je ne savais pas si ce style allait marcher. Les retours qui me parviennent me font dire que ce pari-là est réussi.

Des souvenirs d’enfance et d’utopie

Avec votre livre, les lecteurs prennent conscience de la dimension de cette « campagne devenue quartier ».

Parce qu’elle n’a de réalité administrative, j’ai dû délimiter la Servette historique – et je ne prétends pas l’avoir fixée définitivement. Une fois que je l’ai fait dessiner par un ami graphiste, je me suis rendu compte de sa taille. Ce n’était pas un grand quartier, peut-être l’égal de Saint-Jean ou des Charmilles; au contraire du Petit-Saconnex, qui était vraiment une immense commune. Ce constat aurait pu me refroidir au moment de me lancer dans les recherches, et pourtant, au fur et à mesure, c’est comme si je tirais sur une pelote et il y avait des choses à dire!

Quel est votre lien personnel à la Servette ?

Mon grand-père Pierre Antoine Lucchini est né en 1921, à la rue Antoine-Carteret, c’est un vrai Servettien d’origine tessinoise. À l’époque, le quartier appartenait encore à la commune du Petit-Saconnex. Pendant longtemps, il a tenu un commerce, Lucchini Peinture, situé juste à côté de l’église Saint-Antoine-de-Padoue. C’était un personnage essentiel à ma vie, un homme qui ressemblait fondamentalement à ce quartier tel que je l’ai connu. Ce livre, c’est un hommage que je tenais à lui rendre. Il m’a aussi rappelé les années merveilleuses que j’ai vécues dans le quartier. Pour moi, la Servette était le paradis sur terre. Je le pense sincèrement. J’ai eu la chance de grandir rue du Moléson, avec des immeubles, des maisons, où il y avait trois, quatre époques au même endroit et cette école pavillonnaire Geisendorf, une utopie où j’ai eu la chance de faire ma scolarité. Aujourd’hui, il y a moins de place pour de telles utopies… Ce livre était donc une façon de dire merci. Au fond de moi, j’avais besoin de ça. 

Propos recueillis par Benjamin Philippe

+ d’infos

La Servette, d’Alexandre W. Junod
Préface de Maria Mettral
Cabédita, 2022

Prochaine rencontre & dédicace: vendredi 3 février 2023, 17h30, Librairie-vinothèque C.Pages

Page Facebook de l’auteur: Alexandre William Junod

Photos couverture : Carrefour de la Servette, 1918©Coll. G. Zillweger-Archives des TPG – Alexandre W. Junod©C. Garcia.

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