L’Indien Sanal Kumar Sasidharan, de la Mostra au GIFF de Genève
- Le mercredi 6 novembre, le réalisateur indien Sanal Kumar Sasidharan présentera son dernier film Chola / Shadow of water, en première suisse, lors du 25e Festival International du Film de Genève (GIFF).
- Présenté à La Mostra de Venise, son thriller, tourné en malayalam (la langue officielle du Kerala), est en compétition dans la catégorie « longs-métrages ».
- Il y a deux ans, le Jury du festival avait décerné le Reflet d’or 2017 au réalisateur pour son film précédent, Sexy Durga.
- La manifestation omnicanale se termine le dimanche 10.
- Outre Sasidharan, cette édition accueillera des noms prestigieux, tels que le réalisateur Xavier Dolan ou l’acteur Jean Dujardin.
Inoubliable Sexy Durga !
Peur hors de la ville, c’est le fil rouge de la trilogie du Keralais Sanal Kumar Sasidharan. Commencée en 2015 et prolongée en 2017 avec Sexy Durga, elle se termine avec Chola / Shadow of water. À découvrir mercredi et vendredi au Festival International du Film de Genève.
En ces temps de fête des sorcières et de fête des morts, les frissons sont légion. Un clown malheureux et balafré qui remporte le Lion d’or 2019, c’est du sérieux, et de la fiction pop-corn. Une caissière H&M avec deux cicatrices encore sanguinolentes dans le prolongement de ses lèvres, c’est troublant, mais au fond, juste du maquillage. On est loin de la réalité des femmes défigurées à l’acide.
Pour le malaise, l’angoisse et les traces dans nos entrailles, on peut compter sur l’Indien Sanal Kumar Sasidharan. Son œil critique sur l’insécurité, la vulnérabilité et l’abus dans son pays en fait une voix à écouter ! Dans sa fiction Sexy Durga, la protagoniste (Durga) et son petit-ami avaient la mauvaise idée de monter dans un mini-bus. Dans Chola / Shadow of water, un autre couple est contraint de se faire mal-accompagner dans une virée à la ville. Tragédie racinienne, quand tu nous tiens !
Sasidharan, un talent caché
Que le GIFF 2017 ait décerné son Reflet d’or au jeune réalisateur (40 ans, cette année-là) était amplement mérité. L’homme s’occupe de tout, du scénario au montage. Avec réussite. Tout participe à faire vivre au spectateur une expérience poignante. Chez lui, en Inde, la critique avait surtout noté l’irrévérence du titre (Sexy Durga), jugé blasphématoire. – Durga étant le nom d’une déesse hindoue. Cette réaction avait été un autre bel exemple de l’histoire du sage qui montre la lune, quand l’idiot regarde le doigt… Le film bloqué un temps par la censure n’avait pas eu un autre retentissement. Sans parti-pris apparent, c’est vrai qu’il nécessitait une analyse (et un débriefing). L’incompréhension ou le désintérêt avaient été tel qu’à l’époque, le réalisateur était venu à Genève sans avoir la certitude que son œuvre serait projetée sur les écrans indiens.
Son film était marquant, parvenant à susciter un sentiment de claustrophobie et d’empathie pour un couple de jeunes dépassés, systématiquement rattrapés par le sort. On était loin du film Sir, vu aux Scala (qui était très bien dans son genre). À certains égards, Sexy Durga était presque la version nocturne et féministe du film All is lost, avec Robert Redford, en marin perdu en mer. Dans les deux, l’espoir était mis à mal. Novembre 2017, c’était tout juste le début du mouvement #MeToo, mais surtout, en Inde, cinq ans après un crime odieux. De ceux dont on nous parle dans les journaux et qui dépassent l’entendement et qui masquent les horreurs et les injustices de nos contrées.
Parmi les films que j’ai eu l’occasion de voir au cinéma ces dernières années, c’était sans doute l’un des plus forts. Résolument moderne et universelle, la création de Sanal Kumar Sasidharan avait de l’ambition. Elle réussissait le tour de force de réveiller le spectateur en présentant un lent cauchemar. Avec Chola, l’auteur va, paraît-il, au bout de sa logique dénonciatrice. Il ajoute du courage à son entreprise. Son « Ombre de l’eau » n’aura peut-être pas un Reflet d’or au GIFF, mais espérons, des échos au pays.
Sources / références
Site officiel du GIFF
Chola / Shadow of water
Mercredi 6 novembre, St Gervais, Grande salle, 14h
Vendredi 8 novembre, St Gervais, Grande salle, 18h30
Photo : ©DR