Ananda Devi et ses déesses au Salon du livre


Littérature / jeudi, octobre 14th, 2021

Les déesses d’Ananda Devi, invitées du Salon du livre en Ville

  • Établie dans le Grand Genève, l’écrivaine mauricienne Ananda Devi vient de faire paraître son roman Le Rire des Déesses (Grasset) à l’occasion de la rentrée littéraire 2021.
  • Son nouvel opus a fait partie des romans [en] français retenus de la 2e sélection du Prix Femina 2021.
  • Le livre brasse des thèmes forts, tels que la relation mère-fille, la prostitution, la place des femmes, la tartufferie ou encore le rejet des faibles.
  • Après être passée au festival du LÀC au début du mois, l’auteure interviendra lors de deux rencontres du Salon du livre en Ville de Genève le vendredi 22 octobre.
  • L’édition 2021 est organisée du jeudi 21 au dimanche 24 octobre, autour de L’iceBergues, au quai des Bergues.

Une autre lumière au bout de la Ruelle

Quelque part dans le nord de l’Inde, dans une ville sans nom, travaillent des filles sans grade et sans avenir. Dans leur « Ruelle », la vie tourne moins autour de l’amour que de la mort, la petite et la grande. Sevrée de tendresse, la toute jeune Chinti échappera-t-elle à la condition de sa mère Veena et de ses collègues d’infortune? Dans son nouveau roman Le Rire des déesses, Ananda Devi met en lumière une enfant pour interroger le statut des femmes et des hommes de foi, dans une société – une de plus – sans concession pour les faiblese. Interview.

Ananda Devi: »Les privilèges que j’ai eus sont récents »

Genève Les Portes: La première partie du Rire des déesses se passe dans une ruelle où vivent comme elles peuvent des prostituées. Et l’on suit l’éclosion d’une petite Chinti, d’abord cachée sinon rejetée par sa mère Veena. D’où vous est venue l’inspiration pour ce roman?

Ananda Devi: Depuis plusieurs années, je suis invitée en Inde par de grands festivals, comme à Jaipur, par des Alliances françaises ou l’Institut français, pour faire des tournées dans plusieurs villes du pays. Les organisateurs sont sensibles à ce que j’écris ou ce que j’ai envie de dire. C’est ainsi qu’en 2017, à Kolkata,les organisatrices m’ont demandé si je voulais rencontrer des enfants de prostituées, du quartier de Kalighat, (littéralement les « marches de [la déesse destructrice] Kali »). Là-bas, les femmes sont assises au bord de leurs chambres qui n’en sont pas et les enfants jouent dans les caniveaux.

GLP: Dans votre livre, Chinti est longtemps laissée à son sort avant de trouver un peu de réconfort auprès de Sadhana, une hijra, une « femme née dans un corps d’homme ». Qui s’occupe des enfants de Kalighat ?

AD: Une petite association, composée de quelques femmes, a des locaux pour les recueillir et essayer d’engager des professeurs pour les sortir de cet univers tellement violent. Aux prostituées, elle essaye de donner un métier sinon une activité comme la broderie ou le tissage, et elle s’efforce de trouver une voie de sortie. Seulement, « New Light », cette association, n’est même pas sûre de pouvoir garder ses locaux et c’est très difficile de faire ce genre de travail: quand les prostituées partent suivre les pèlerins – leurs clients! -, elles prennent leurs enfants avec elles et l’association doit les accompagner, toujours pour épargner autant que possible à ces enfants les dangers et la misère absolue. Sur le moment, ça m’a mise en colère de voir ce paradoxe et cette hypocrisie. Les prostituées se doivent d’être très visibles, tout en couleur, mais elles sont effacées dans la société…

GLP: Votre histoire est celle d’un sursaut, d’une pulsion de vie, point de départ d’une lutte…

AD: En commençant à écrire, je pensais à une histoire tragique. Puis est survenu le premier confinement et j’ai voulu voir une petite lumière, une forme d’espoir, pour l’enfant. L’idée du hijra est donc venue pendant l’écriture, en m’interrogeant sur l’identité de la narratrice. Il m’a semblé que cette communauté, encore assez fermée, justement pour s’entraider, et les prostituées pouvaient se comprendre. J’ai beaucoup lu sur le sujet. C’est encore très difficile pour elles. Sans carte d’identité, elles n’ont pas de travail… Dans les petits villages, en Inde, il y a très peu de recours pour les marginaux, pas seulement pour les femmes. Avec le Premier ministre indien actuel, les musulmans et même les chrétiens sont en danger.

GLP: D’où vient que vos romans ont souvent des thèmes très sombres?

AD: Quand on vient d’un pays, comme Maurice, dont l’histoire est entachée par l’esclavage, la violence reste une influence. Et en y regardant de plus près, on comprend aussi que les privilèges que j’ai eus sont récents. En tant qu’écrivain, j’ai l’occasion d’être lue et écoutée, j’en profite donc pour en parler.

Propos recueillis par Benjamin Philippe

Rendez-vous du Salon du livre

Programme du Salon du livre en Ville de Genève

Littérature et Diplomatie

Ananda Devi, Kaoutar Harchi et Maboula Soumahoro
Palais de l’Athénée, vendredi 22 octobre, 14h30 (sur réservation)

Traumas de mère à hauteur d’enfant

Claire Castillon et Ananda Devi
Modératrice Monique Berthollet
L’iceBergues, vendredi 22 octobre, 17h (sur réservation)

Un certificat Covid est exigé à l’entrée, libre.

+ d’infos

Ananda Devi, bibliographie non exhaustive

  • Solstices, Regent Press, 1977 / rééd. Editions Le Printemps, 1997
  • Eve de ses décombres, Gallimard, 2006
  • Le Sari vert, Gallimard, 2009
  • L’Ambassadeur triste, Gallimard, 2015
  • Manger l’autre, Grasset, 2018
  • Fardo, Cambourakis, 2020

Pour plus d’information su l‘Association New Light, à l’orgine du livre Le Rire des Déesses

Photo: Ananda Devi au Festival du LÀC©GLP

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.