Le Café Slatkine aura vécu mille livres à la rue des Chaudronniers


Adresses, Littérature / jeudi, juin 15th, 2023

Le Café littéraire des éditions Slatkine a fermé (les oiseaux-lyres sont en pleurs)

fillette se tenant les oreilles

La librairie Slatkine, en 1960 ©Bibliothèque de Genève

L’enseigne a changé de propriétaire le 31 mai 2023.

  • Le Café Slatkine, au Bourg-de-Four, vient de fermer son livre et de le ranger sur l’étagère de l’histoire de Genève.
  • Ce lieu de la petite rue des Chaudronniers avait été créé au sortir de la Grande guerre.
  • Les premières années, le fondateur, Menahem Mendel Slatkin (1875-1965), vendait ses propres livres d’occasion rapportés de Roston-sur-le Don, à l’ouest de la Russie.
  • Pendant plus de 30 ans, le bâtiment de l’Athénée 4 a servi de dépôt à l’entreprise familiale.
  • L’un des premiers best-sellers régionalistes des éditions Slatkine a été Genève, passé-présent, sous le même angle, de Jean-Claude Mayor et Nicolas Crispini, il y a 40 ans.

Un siècle de livres et d’auteurs au cœur de la Cité de Calvin

Le feuilleton de l’agonie du Rameau d’or, boulevard Georges-Favon, à peine terminé, un autre espace dédié aux livres a mis la clef sous la porte. Le Café Slatkine, en Vieille-Ville, ne proposera plus sa petite restauration dans son cadre cosy de bois et d’écrits. L’adresse s’est littéralement transmise de génération en génération. Les auteurs et autrices de « l’écurie » Slatkine s’y seront succédé. Au point que la librairie, devenue café littéraire, se sera inscrite au patrimoine de la cité.

à g.: Olivier Rigot, lors du vernissage de son livre La fille aux cerfs-volant (2021) au Café Slatkine.

à dr.: Benjamin Philippe et Ivan Slatkine lors du vernissage de Genève en 366 jours, en 2022©C. Philippe

Quelle que soit la saison, la terrasse compensant le devers de la rue étroite faisait de l’oeil aux passants. Comme une jetée, tendue comme une main affable, elle participait à l’animation du Bourg-de-Four, tout en le délimitant. Sur le mur d’en face, une plaque évoque la dernière demeure de Jean-Etienne Liotard, un mois avant la Révolution française.

Une épopée familiale et des jalons personnels

Avec son fondateur, Mendel Slatkine, qui a fui les pogroms antisémites de Russie en 1905, l’enseigne était aussi un témoin de l’histoire genevoise, et même mondiale, du XXe siècle. Elle aura été le « show room » d’un groupe dédié au livre. Récap rapide: la librairie qui ouvre en 1918 est d’abord spécialisée dans la littérature russe et le judaïsme. La 3e génération, Michel-Edouard Slatkine, donne une impulsion nouvelle à la librairie en 1964, en créant une « société anonyme ». Les activités de réimpression d’ouvrages rares et épuisés, puis d’édition d’ouvrages grand public généralistes ont chacune ancré un peu plus le vénérable patronyme dans les bibliothèques.

Les événements publics, parfois confidentiels, organisés au Café Slatkine, avaient le mérite de symboliser tout le dynamisme de la « scène littéraire » locale. J’ai participé à des vernissages tantôt dans l’arrière-salle, tantôt dans l’espace à l’entrée. J’y ai plus tard passé un moment riche avec Claude Bonard pour préparer l’article que j’ai consacré à ses chroniques. Et bien sûr, j’ai eu l’indicible bonheur de présenter Genève en 366 jours, ma somme de recherches sur des centaines de personnalités qui ont fait la ville que l’on connaît. Je sais forcément gré à Ivan Slatkine, mon éditeur, mais surtout représentant de la 4e génération d’une famille au destin épique.

Passé le Café Slatkine, que font les éditions?

La bonne nouvelle, c’est que les éditions Slatkine peuvent compter sur d’autres relais et d’autres espaces de présentation, tels que la librairie C.Pages, spécialisée dans tout ce qui a trait à Genève (et même les bières et le vin…). Et les événements se feront désormais hors les murs.

Pensé pour (mieux) faire connaître l’Institut national genevois, une institution de plus de 170 ans, l’opus illustré et complet de Serge Paquier rappelle en creux les enjeux des époques et de la ville.

Dans un ouvrage de référence, Maurice Baudet propose plus de 100 fiches-portraits de « grands esprits qui façonnèrent le caractère de Genève », regroupés par thématiques.

Le journaliste féru d’histoire Henri Roth s’est penché sur les épidémies qui ont affecté Genève. Son document en dit long sur notre rapport à la santé publique, à travers le temps.

+ d’infos

Ouvrages mentionnés:

  • M. Schroeter, Au coeur de la démocratie suisse (site)
  • J.-C Mayor et N. Crispini, Genève, passé-présent, sous le même angle
  • B. Philippe, Genève en 366 jours (site)
  • O. Rigot, La fille aux cerfs-volant (site)
  • S. Paquier, Une histoire de l’Institut national genevois (site)
  • M. Baudet, Portraits genevois (site)
  • H. Roth, Entre la peste et le covid, Genève au temps des épidémies (site)

Sources : Slatkine – 1918-2018: Cent ans de livres à Genève, collectif (site)

Retrouvez le catalogue des édititons Slatkine désormais en ligne

Image en-tête : Marceau Schroeter et Ivan Slatkine, en mars 2022
Photos: ©Genève Les Portes

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